Tourisme : comment relancer une croissance en berne ?
December 13, 2016
Guest Blog post par Laure Roussel, étudiante en dernière année d’architecture se destinant à la fonction publique territoriale.
De l’aveu de Jean-Marc Ayrault, « l’année 2016 restera sans doute une année à part pour les professionnels du tourisme ». Mais les attentats ne sont pas les seuls responsables de leur moral en berne. Le tourisme a besoin d’un coup de pouce afin de redorer son image mais aussi d’une restructuration en profondeur et surtout de mesures en faveur de plus de transparence.
L’impulsion des pouvoirs publics
Les arrivées de touristes étrangers depuis le début de l’année sont en recul de 7 % sur l’ensemble du territoire. Le Ministre des affaires étrangères note plus particulièrement une « fragilité de la destination Paris », largement affectée par les attentats et les grèves du printemps avec une fréquentation en baisse de 10%. Dans la capitale, les arrivées hôtelières françaises ont chuté de 8% en 2015 par rapport à 2014 et de 22% pour la clientèle internationale. Le début 2016 reste difficile, notamment auprès des clients les plus éloignés : -56% sur les trois premiers mois de 2016 pour les touristes japonais ; -13% pour les touristes chinois ; -26% pour les touristes australiens, selon le baromètre du Comité régional du tourisme.
Face à l’ampleur de la crise, les pouvoirs publics font bloc. Objectif : « favoriser le désir de venir à Paris et accélérer ainsi le retour aux niveaux de fréquentation touristique d’avant le 13 novembre en rassurant les visiteurs et professionnels sur les conditions de sécurité à Paris » à l’instar de la campagne exceptionnelle organisée conjointement par la Région, la Ville de Paris et l’État et baptisée « Made in Paris ». Des fonds exceptionnels ont été débloqués afin de renforcer le bouclier de sécurité régional, notamment dans les transports et « répondre aux besoins communs des touristes et des Franciliens », a d’ailleurs souligné Jérôme Chartier, vice-président de la région Île-de-France.
Même démarche à Nice et dans la région PACA, qui ont également vu leur fréquentation touristique chuter. Secteur stratégique sur la Côte d’Azur, l’économie du tourisme représente plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et 75.000 emplois directs. Le comité régional du tourisme (CRT) a présenté cet été son plan pour attirer à nouveau les visiteurs, afin de « relancer la destination azuréenne » selon les mots de David Lisnard, maire LR de Cannes et président du CRT. Le hashtag “CôtedAzurnow” a notamment été créé afin de communiquer via les réseaux sociaux et d’inciter les touristes français et étrangers à partager leurs « émotions positives ».
Le Gouvernement a bien pris conscience de la situation et a mobilisé 500 000 euros additionnels au plan doté d’1 million annoncé en mars afin de relancer la croissance. Cette impulsion participe d’une démarche plus en profondeur qui vise à aider les professionnels du tourisme à faire face aux mutations du secteur.
Restructurer les savoir-faire français
C’est en tout cas, ce qu’a indiqué Jean-Paul Huchon, ancien président de la région Ile-de-France, et qui a remis un rapport intitulé « Destination France » sur le tourisme à Manuel Valls. « Les professionnels du tourisme déjà fragilisés par un climat sécuritaire et anxiogène sont confrontés par ailleurs à des défis structurels, ce qui amène à questionner le rythme des réformes envisagées par les pouvoirs publics », explique Jean-Paul Huchon. Ce dernier se fait l’écho des professionnels du tourisme qui réclament un meilleur pilotage du secteur, évoquant même une certaine « balkanisation » du paysage touristique français (rappelons que le secteur est piloté par quelques 9 ministres et 35 administrations).
Cet éclatement se traduit également sur le terrain par un manque de lisibilité de l’offre touristique : les consommateurs ont parfois du mal à s’y retrouver. « Force est de constater que les normes sont parfois éclatées : chacun a créé son standard de manière isolée, ce qui peut entraîner une certaine confusion pour le touriste. Aussi, je pense que l’on doit aller vers une grille de lecture simplifiée, plus claire», explique Fabrice Lépine, directeur général de Wonderbox, leader français du coffret-cadeau. Ce dernier insiste également sur la nécessité de mieux structurer l’offre car « une offre bien distribuée est l’une des clefs du marché », ajoute Fabrice Lépine. En ce sens, la Région Île-de-France par exemple veut « continuer à réfléchir à une meilleure structuration des offres régionales telles que l’impressionnisme, Napoléon, le fleuve Seine, la gastronomie », afin de « gagner le combat d’une nuit supplémentaire par touriste », explique Jérôme Chartier. Ainsi, « l’efficacité passe par une plus forte collaboration entre les différents acteurs (…) qui devront travailler main dans la main pour dégager plus de synergies », ajoute ce dernier.
Car la marque France jouit toujours d’une image positive, en particulier pour les Français qui aiment à redécouvrir les trésors du patrimoine et des régions mais aussi pour les touristes, pour lesquels la France est associée à une destination hédoniste qu’ils recherchent. Et malgré une année houleuse, la France a démontré qu’elle savait accueillir dans les règles de l’art : le pays a marqué des points lors de l’Euro de football où certaines villes comme Lens, Lille ou Saint-Etienne ont connu des taux de remplissage record et des chiffres d’affaires en hausse de 70 % pour les hôtels. Mention spéciale également pour le festival d’Avignon qui a vu sa fréquentation augmenter de 6,5 %, de même que les Francofolies de la Rochelle (+32 %). De quoi booster les professionnels du tourisme à maintenir sinon augmenter sans cesse les standards de qualité de service qui sont un critère déterminant afin de faire face à la concurrence accrue sur le marché.
La responsabilisation des acteurs du tourisme
Et cette qualité passe nécessairement par un effort accru de transparence. C’est l’un des leviers incontournables afin de relancer la croissance, comme le souligne une étude réalisée pour Lastminute.com par TNS Sofres sur la qualité de service des agences de voyages. « Le secteur du tourisme doit évoluer vers plus de transparence », commente Pierre Alzon, directeur général de Lastminute qui appelle à « une démarche collective des compagnies aériennes, distributeurs et tour-opérateurs qu’ils soient traditionnels ou spécialisés en ligne pour une présentation du prix tout compris ». Selon l’étude, 62% des voyageurs veulent un prix clair et détaillé, ce que confirme Pierre Doignies, directeur d’études chez Audirep. Ce dernier conseille aux professionnels de rendre leurs politiques promotionnelles plus transparentes au risque de réduire l’attention des consommateurs et donc de tirer le marché vers le bas. « Il y a tellement de promos, de comparateurs de prix qu’il devient impossible de savoir quelle est la meilleure offre, et même si c’est vraiment une promo (…). 37% des Français préfèreraient qu’il y ait moins de promotions et que ce soit plus clair », précise Pierre Doignies. Ces efforts serviraient à « renforcer la confiance des voyageurs dans les professionnels du tourisme », conclut Pierre Alzon.
Un effort d’exemplarité donc qui doit s’appliquer à tous : acteurs traditionnels, nouveaux entrants et pure-players. Si dans une tribune Fabrice Lépine salue l’arrivée d’acteurs comme Airbnb qui ont permis de « rénover le marché », ce dernier se montre plus circonspect quant à l’évolution du cadre règlementaire. « Force est de constater que beaucoup d’entreprises, à l’instar d’AirBnB ou même de Smartbox, paient une partie de leurs impôts en Irlande via un processus d’optimisation fiscale, peut-être légal mais qui interroge malgré tout. Ces nouveaux business models ne sont pas suffisamment encadrés », dénonce Fabrice Lépine. « Or, un tel encadrement règlementaire est le seul garant d’une concurrence loyale entre tous les acteurs, qu’ils soient traditionnels ou qu’ils s’inscrivent dans des nouvelles dynamiques sectorielles » ajoute ce dernier qui plaide comme de nombreux professionnels du secteur pour un renforcement du cadre fiscal et réglementaire de l’économie du voyage. Une « question éthique » à laquelle les Français sont sensibles. Les acteurs du « tourisme responsable » sont ceux qui connaissent la plus forte croissance sur le marché.
Author : Blogactiv Team